La Palestine est toujours définie par un présent indéfini dissocié de son passé, un mensonge écrasant contre lequel les Palestiniens se battent toujours. Depuis que l’ONU a reconnu le projet colonial d’Israël en tant qu’État et a projeté le paradigme humanitaire sur les Palestiniens expulsés de leurs maisons et de leurs terres, les dirigeants mondiaux et les diplomates ont trouvé pratique de rester dans ces paramètres.
Il est également devenu un devoir des organisations de défense des droits de l’homme de sensibiliser aux ramifications des questions politiques que la communauté internationale préfère ignorer. L’apartheid israélien est désormais un concept courant, même si les Palestiniens mettent en garde depuis des années contre la ségrégation et la discrimination violentes et racistes.
«Le sionisme, c’est l’apartheid», a déclaré l’OLP en 1985, des décennies avant que l’organisation de défense des droits de l’homme B’Tselem ne déclare Israël un État d’apartheid l’année dernière, suivi par Human Rights Watch et, plus récemment, par Amnesty International.
Si la détérioration des droits politiques palestiniens a été évidente pour quiconque avec ou sans une once d’humanité, pourquoi l’Autorité palestinienne doit-elle s’accrocher à de tels rapports au lieu de tirer la sonnette d’alarme elle-même ? Dans son discours à l’Union africaine, dans lequel il a exhorté le bloc à annuler l’ acceptation d’Israël en tant qu’État observateur, le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh, s’est présenté comme le porteur de mauvaises nouvelles exceptionnelles qui devraient influencer la décision de l’Union Africaine, au lieu de fonder sa décision sur les décennies de violence coloniale infligées au peuple palestinien.
«J’ai le regret de vous informer que la situation du peuple palestinien n’a fait que s’aggraver. Il y a quelques jours, Amnesty International a publié un rapport confirmant qu’Israël est non seulement coupable de dénier aux Palestiniens nos droits fondamentaux, mais qu’il commet également la plus grave des crimes, le crime de l’apartheid«, a déclaré Shtayyeh dans son discours repris par l’agence de presse Wafa.
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Bien que bienvenue, la situation palestinienne n’a pas été rendue « plus précaire » par le rapport d’Amnesty International. La communauté internationale était de connivence avec les dirigeants sionistes pour expulser les Palestiniens de leur propre terre avant la Nakba de 1948. De la tristement célèbre déclaration Balfour de 1917 au nettoyage ethnique de 1948 et à l’occupation militaire de 1967, le soutien international a approfondi le colonialisme des colons en Israël. L’apartheid dont on parle désormais ouvertement s’enracine dans cette collusion, mais l’AP préfère effacer le passé pour se conformer à la ligne internationale et au discours «accepté» sur la Palestine, qui isole la Nakba et chacune des violations commises par Israël, de sorte que l’État sioniste d’apartheid est également dissocié de ses origines coloniales.
C’est cette dissociation qui permet à Shtayyeh et aux diplomates internationaux de parler de la Palestine et des Palestiniens comme s’il s’agissait de questions déconnectées validées uniquement par le degré de visibilité médiatique. La responsabilité de l’AP n’est pas de suivre les médias, mais de plaider contre l’apartheid israélien sur la base de ce que fait Israël et de ce que vivent les Palestiniens ; ne devrait pas attendre un rapport d’Amnesty pour le faire. En utilisant le rapport pour « prouver » que l’apartheid israélien est une réalité, Shtayyeh affaiblit, voire invalide, le récit palestinien.
Si, comme le dit à juste titre Shtayyeh, Israël ne doit pas être récompensé pour ses pratiques d’apartheid, pourquoi l’AP continue-t-elle à collaborer avec l’État occupant sur les questions de sécurité ? Pourquoi l’AP accorde-t-elle plus d’importance aux rapports des organisations internationales des droits de l’homme qu’à l’expérience vécue de son propre peuple ?
Le rapport d’Amnesty International, comme ceux de Human Rights Watch et de B’Tselem, servira son propre propos en faisant débat sur l’apartheid israélien un sujet d’intérêt général, plutôt que de normaliser la présence coloniale des colons d’Israël. Le devoir de l’AP aurait dû être rempli avant qu’Amnesty ne publie son rapport, mais sa propre implication dans l’autorisation de l’apartheid, du fait qu’elle est redevable à Israël et à la communauté internationale, conduira inévitablement à des condamnations extérieures d’Israël qui continuent de mettre les Palestiniens en danger de mort. Aussi précieux que soit le travail en faveur des droits de l’homme, la priorité doit être de mettre fin aux implications politiques et physiques de l’apartheid israélien.
Source: Ramona Wadi, journaliste du Memo, Monitor de Oriente
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