Chacun a bien compris en France que la réforme des retraites pour porter l’âge légal à 64 ans ne se justifie en rien dans un pays où la productivité du travail, donc l’exploitation, va croissant. C’est une exigence des marchés financiers et de l’Union Européenne (de l’union des patronats européens contre leurs peuples).
La brutalité de la dictature bourgeoise n’est pas nouvelle : elle va de paire avec la déroute progressive de l’impérialisme français dans ses ex-colonies et dans les territoires qu’il prétend influencer.
Les travailleurs de France doivent payer la facture pendant que la bourgeoisie gagne des profits records sur leur dos. Le patron le plus riche du monde désormais, pour citer un exemple, est un patron français, Bernard Arnaud.
La plus grande partie du patronat reste unie autour de Macron contre les luttes de classe qui montent depuis quelques années, tandis qu’une autre partie grandissante, commence à prendre l’option fasciste au sérieux pour « mâter » les travailleurs
récalcitrants et désorienter leurs luttes contre un « ennemi de l’intérieur » immigré… Le célèbre chef d’industrie et patron de chaîne Bolloré, par exemple, est le mécène de l’ex- candidat fasciste Eric Zemmour.
De l’autre côté de la barricade, le mouvement le plus marquant des dernières années est celui des « gilets jaunes », né hors des syndicats organisés, d’une vaste révolte populaire très composite contre les taxes et la vie chère. La longévité et la pugnacité du mouvement, malgré son inorganisation, a marqué les esprits durablement et fait trembler jusqu’à un certain point le pouvoir, débordé par la détermination populaire, son caractère multiforme (chômeurs, travailleurs précaires, artisans, petits patrons, retraités, jeunes, …). Le mouvement des gilets jaunes a lancé le chant désormais unanime des travailleurs depuis 2018 : « On est là ! On est là ! Même si Macron ne veut pas, nous on est là ! Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur, même si Macron ne veut pas nous on est là ! ».
La réforme des retraites, décrétée avec violence, impunité et arrogance, fut la goutte de trop pour les travailleurs : Une lutte qui dure maintenant depuis quatre mois, ininterrompue et très massive, s’inscrit à la fois dans la continuité du mouvement des gilets jaunes (même cible, même unité, même détermination) et avec une nouveauté indiscutable : le « grand retour » de la classe ouvrière.
En effet, avec cette lutte contre la réforme des retraites, les grèves reconductibles se sont multipliées au-delà des « journées hebdomadaires » de grève générale interprofessionnelle posées par la CGT et le front syndical (clairement forcé à l’unité par
les bases), comme les blocages de raffineries, des docks, des chemins de fer, centres stratégiques ouvriers pour bloquer les profits du patronat. De nombreuses grèves reconductibles ont fleuri, souvent très visibles comme celle des éboueurs de la ville de
Paris.
Cette classe ouvrière de France, dans la rue, sur les innombrables piquets de grève partout en France, à l’occasion des manifestations ne faiblissant pas mois après mois, dans les grandes villes comme dans les plus petites (ce qui est inédit), reprend visiblement le chemin d’une conscience de classe et de sa mission révolutionnaire. Les illusions sur la « démocratie » en France reculent : Le peuple unanime pour rejeter cette réforme, les manifestations ayant atteint un caractère historiquement massif, n’étant pas sûr du vote à l’Assemblée Nationale, Macron a dû passer en force (l’article « 49.3 », normalement réservé aux cas de force majeure, pour la dixième fois de son mandat !) : Personne ne doute plus du caractère dictatorial du pouvoir et de son mépris vis-à-vis du peuple.
Le front dans la NUPES des forces politiques anti-libérales et antifascistes a mené une guérilla parlementaire contre cette régression sociale pour prolonger le mouvement gréviste pour le retrait de la loi.
Le Conseil Constitutionnel à valider « la retraite des morts » (expression des manifestants) s’associant ainsi au discrédit grandissant qui frappe le régime présidentiel bourgeois.
Le pays reste en ébullition même après ce coup d’état parlementaire et la répression continue à s’abattre contre la résistance déterminée multiforme.
Le hasard a voulu que le congrès de la CGT, base historique de la classe ouvrière de France, se déroule pendant cette période, et son issue reflète bien les débats contradictoires qui la traversent sur la stratégie des luttes depuis quelques années.
Travaillée par une contradiction entre courant réformiste et courant révolutionnaire, la direction confédérale a vu, pour la première fois de son histoire (1895), son rapport préalable d’activité rejeté par le vote. La candidate désignée par le secrétaire général
sortant pour prendre sa relève dans un congrès qu’il pensait verrouillé, a été écartée, et son adversaire (il n’y a d’habitude qu’un seul candidat au poste de secrétaire général lors du congrès), tenant du courant révolutionnaire attaché à la FSM, secrétaire général
de l’Union Départementale des Bouches du Rhône (Marseille), Olivier Mateu, a obtenu 36 % des votes, avec le soutien de fédérations entières (chimie, commerce, …).
L’élection d’une figure de compromis, Sophie Binet, a permis, la candidate de Martinez écartée, d’éviter pour la direction réformiste l’élection du camarade, célèbre pour ses discours révolutionnaires de classe, souvent qualifié par la presse des milliardaires de « stalinien » ou de « mélenchoniste ».
Un long chemin reste à parcourir en France pour l’unité des travailleurs, français et immigrés, hommes et femmes, jeunes et vieux, seule condition pour que surgisse un puissant et salutaire mouvement révolutionnaire. La classe ouvrière renoue avec une
combativité offensive après des années de luttes défensives disséminées; nous en avons aujourd’hui des signes indiscutables autant qu’encourageants !
Après la combativité contre la “loi travail” en 2016 de la base militante de la CGT, celle des Gilets jaunes, ce formidable réveil qui continue du mouvement ouvrier et populaire appelle les communistes éparpillés à rendre de plus en plus visible leur unité d’action
stratégique pour influer de plus en plus fortement dans le prolétariat en lutte et sur le front anti-libéral, antifasciste pour bloquer la machine infernale de la broyeuse sociale, la répression de classe et faire le lien avec les guerres impérialistes, notamment celle
par procuration de l’OTAN/UE contre la Russie en Ukraine.
Source: Guillaume Suing pour le Journal Horizons Socialistes, PPDS, Tunisie.